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Dans la Beauce, la filière amande crée des synergies

La SAS espère atteindre un rendement d’une tonne d’amandes à l’ha.

Dans le Loiret, 17 agriculteurs cultivent depuis quelques années l’amandier. Une initiative atypique, mais qui rencontre un franc succès, chez les restaurateurs et les consommateurs. Les nouveaux arboriculteurs, habitués aux grandes cultures, découvrent un nouveau métier, passionnant.

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Au cœur des immenses plaines de la Beauce, la parcelle d’Alexandre Beauvallet détonne. Des arbres, encore jeunes, se dressent vers le ciel. C’est ici qu’il a planté, en 2019, une partie de ses amandiers. Son verger de 3 ha rassemble 1 200 arbres, de la variété Lauranne, autofertile et résistante, et des variétés Ferragne et Ferraduel, plus tardives. Comme lui, 16 autres cultivateurs du secteur ont consacré une partie de leurs terres à cette culture pérenne

Tout commence en 2017, lorsque Alexandre apprend que la Confrérie de l’authentique pithiviers, ce gâteau traditionnel local, appelle de ses vœux la création d’une filière de producteurs d’amandes. L’objectif de l’association : obtenir une AOP pour le fameux gâteau, le label nécessitant que l’intégralité des ingrédients soient produits sur le territoire. 

Cinq agriculteurs répondent à l’appel, et créent la SAS Les amandes de Pithiviers. En 2019, Alexandre, David, Aude, Jean-Eude et Anthony plantent 1 900 arbres. L’année suivante, ils sont rejoints par sept autres agriculteurs, et plantent 8 500 amandiers. Ils bénéficient d’un financement de 100 000 € pour leurs arbres par Vinci, qui doit compenser l’impact des travaux d’aménagement de l’autoroute A10. Aujourd’hui, le groupe est au complet : 17 agriculteurs ont planté 46 ha d’amandiers, soit 19 000 arbres. La SAS n’a plus vocation à s’agrandir, mais à consolider sa production et son marché.

Un objectif d’une tonne par ha

La récolte est encore hétérogène, les amandiers étant sensibles au gel précoce, et le gel impactant la production sur deux années, car il attaque les rameaux qui constituent les fleurs de l’année suivante. La SAS parvient à produire 2,5 tonnes d’amandes coque. À long terme, les arboriculteurs espèrent atteindre un rendement d’1 tonne par ha, loin des 7 tonnes par ha des plantations californiennes.

« La SAS est équipée d’un séchoir et d’un cassoir mobile, explique Alexandre. Nous avons développé la gamme et proposons des amandes décortiquées, de la poudre d’amande, des amandes torréfiées, de l’huile d’amande douce produite avec une huilerie locale. » Depuis quelques mois, une partie de la production est certifiée agriculture biologique

Les amandes se récoltent à l’automne. (© Anthony Frison)

Si le partenariat avec la Confrérie ne s’est finalement pas concrétisé, les 17 agriculteurs ne manquent pas de débouchés : les restaurateurs gastronomiques sont très intéressés, tout comme le grand public. Un mixologue d’Orléans compte développer un alcool à base d’amandes locales, un apiculteur utilise leurs produits pour faire du nougat, et la SAS a noué un partenariat pour produire, avec un pâtissier renommé des environs, des pithiviers made in Pithiverais. « Autrefois, les gens n’étaient pas fiers du Pithiverais, souligne Alexandre. Mais ce territoire est en train de se ressaisir sur le plan culturel, touristique et gastronomique. C’est une fierté pour nous d’y contribuer. »

Avancer sans documentation technique

D’un point de vue agronomique, les 17 agriculteurs de la Beauce ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour se former et conduire leur culture. « Nous n’avons à notre disposition aucune documentation technique, regrette Alexandre. Nous avons sollicité la filière des amandiers du Sud de la France, mais ils voient d’un mauvais œil notre projet. » En raison du réchauffement climatique, les vignes du Sud de la France sont menacées d’arrachement, et pourraient être remplacées par des amandiers. L’émergence d’une concurrence dans une autre région pourrait inquiéter les producteurs provençaux. 

Mais les nouveaux arboriculteurs décident d’apprendre en autodidacte, en échangeant les uns avec les autres. « Nous avons organisé nous-mêmes une formation sur la taille des arbres, avec un intervenant externe », précise Anthony Frison, l’un des planteurs originaux, dont le verger de 2 ha et 700 arbres est conduit en agroforesterie

Le verger d’Anthony Frison est en agroforesterie. (© Anthony Frison)

Passionné d’agronomie, son exploitation de 240 ha, où il est installé avec sa femme, a la particularité d’être en agriculture de conservation des sols. « Je récolte entre 15 et 20 cultures différentes, en comptant mes couverts, sourit-il. Et en ce moment, j’ai de l’orge qui pousse entre mes amandiers. » En 2024, il a récolté une demi tonne d’amandes, 10 % de son objectif. Ses arbres devraient atteindre leur maturité d’ici deux à trois ans.

Une culture très limitée en intrants

Aude Sevestre a, elle aussi, fait partie des cinq agriculteurs à l’origine du projet. « Mon arrière grand-père était à la création de la sucrerie d'Artenay. Mon exploitation était très betteravière, explique-t-elle. En 2016, nous avons subi de fortes pertes de rendements, puis en 2017, il y a eu la fin des quotas sucriers, 2018 et 2019 n’étaient pas de bonnes années, et les néonicotinoïdes commençaient à être sur la sellette. » Face à la dégradation de ses marges, l’agricultrice réfléchit à plusieurs projets de diversification. Lorsqu’elle entend parler des amandiers, elle décide de rejoindre l’aventure. Son verger de 3 ha comporte 1 050 arbres, implantés de façon classique, avec un espacement de 5 sur 6. « Je taille mes arbres, je couvre le sol et j’ai planté des fleurs en interrang, mais pour les intrants, la conduite est très light : pas de phytos et pas d’engrais. »

Aude Sevestre, dans son verger, à l’occasion d’Octobre rose. (© SAS Les amandes de Pithiviers)

Pour lutter contre la chenille du Bombyx, qui attaque les feuilles des jeunes arbres, les agriculteurs ont utilisé des produits de biocontrôle, et ont installé des nichoirs à mésanges et à chauve-souris. Claude Gallois est le dernier agriculteur à avoir rejoint la SAS Les amandes de Pithiviers. Le « petit jeune » de 69 ans a planté une centaine d’arbres sur une parcelle de 37 ares, il y a deux ans. « J’ai fait ma première récolte l’an passé : 84 amandes, annonce-t-il. Dans mon cas, ce n’est pas vraiment pour faire de la production, mais pour agrémenter la plaine. » Comme lui, Aude parle de l’épanouissement que ce projet inédit lui apporte : « Dans la Beauce, nous n’avons pas l’habitude d’aller à la rencontre du consommateur, de valoriser nos produits. On est un peu fous d’avoir mené ce projet, mais les amandiers et le collectif m’apportent beaucoup. »

(© Terre-net Média)

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